LE CASSE TÊTE DES ABONDEMENTS DU CPF

15/05/2018 10:36


Il est dit que chaque salarié est désormais acteur de l’évolution de ses compétences

Le titre Ier du projet de loi pose les jalons d’une nouvelle société de compétences, qui s’appuie d’abord sur la garantie d’accès à la formation tout au long de la vie, avec un exercice facilité et des financements collectifs (Chapitre 1er). L’article 1er pose les fondements d’un compte personnel de formation rénové et repensé : il est comptabilisé en euros, offrant ainsi plus de lisibilité aux actifs pour connaître le capital dont ils disposent. Sous réserve des dispositions règlementaires, le compte sera crédité de 500 € par an pour un salarié à temps plein, avec un plafond à 5 000 €. Le montant annuel d’alimentation des droits ainsi que son plafonnement seront supérieurs pour tous les actifs n’ayant pas un niveau V de qualification (CAP). Les règles régissant le fonctionnement du compte personnel de formation sont simplifiées (fin des différentes listes éligibles à la formation, gestion externalisée et centralisée avec l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations). Une application numérique sera créée pour tous les actifs, permettant de connaitre en temps réel les droits individuels acquis au titre du compte personnel de formation, de choisir une formation en cohérence avec son projet professionnel, avec les évolutions de l’emploi sur un territoire. A partir du second semestre 2019, elle permettra de solliciter d’autres abondements des droits individuels des actifs, puis d’organiser l’inscription en formation et de gérer le paiement des prestataires. Pour la fixation des droits individuels, il sera tenu compte, après un temps de mise en œuvre du nouveau compte, du rapport d’utilisation du compte personnel de formation et des prévisions financières pour les années à venir établies par la Caisse de dépôt et de consignation.

Pour faire face aux besoins de mobilité, une modalité particulière du compte personnel de formation est créée, facilitant les changements de métiers et de professions : il s’agit du compte personnel de formation de transition professionnelle, reprenant les orientations des partenaires sociaux issues de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 22 février 2018. Dans ce cadre, la personne est accompagnée dans son projet professionnel et une prise en charge de la rémunération, au-delà des frais pédagogiques est possible.

Chaque salarié est désormais acteur de l’évolution de ses compétences, en partenariat (ou non) avec son employeur. Pour le guider dans cette évolution, il peut à tout moment se faire accompagner par un conseil en évolution professionnelle. Par ailleurs, le Compte Personnel de Formation (CPF) est désormais attaché à chaque individu et le suit tout au long de sa vie professionnelle. Il donne accès à des formations qualifiantes qui permettent d’acquérir des compétences en phase avec les secteurs d’activité les plus porteurs.

Il est prévu 14 sources d’abondements au Compte Personnel de Formation

Pour financer un parcours de formation plus important que ne le permettrait la somme capitalisée sur le Compte Personnel de Formation, des abondements – des sommes complémentaires – sont donc possibles.

L’article 1 du projet de loi précise que lorsque le coût de la formation est supérieur au montant des droits inscrits sur le compte ou aux plafonds mentionnés respectivement aux articles L. 6323-11, L. 6323-11-1, L. 6323-27 et L. 6323-34, le compte peut faire l'objet, à la demande de son titulaire, d'abondements en droits complémentaires pour assurer le financement de cette formation.

Ces abondements peuvent être financés par : « 1° Le titulaire lui-même ; « 2° L'employeur, lorsque le titulaire du compte est salarié ; « 3° Un opérateur de compétences ; « 4° L'organisme mentionné à l'article L. 4163-14, chargé de la gestion du compte professionnel de prévention, à la demande de la personne, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat ; « 5° Les organismes chargés de la gestion de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles en application de l’article L. 221-1 du code de la sécurité sociale, à la demande de la personne, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat ; « 6° L'Etat ; « 7° Les régions ; « 8° Pôle emploi ; « 9° L'institution mentionnée à l'article L. 5214-1 ; « 10° Un fonds d'assurance-formation de non-salariés défini à l'article L. 6332-9 du présent code ou à l'article L. 718-2-1 du code rural et de la pêche maritime ; « 11° Une chambre régionale de métiers et de l'artisanat ou une chambre de métiers et de l'artisanat de région ; « 12° Une autre collectivité territoriale ; « 13° L'établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire, mentionné à l'article L. 1413-1 du code de la santé publique ; « 14° L’organisme gestionnaire de l’assurance chômage mentionné à l’article L. 5427-1. »

Mais rien n’est dit sur les règles d’obtention de ces abondements

On peut en déduire que la source des abondements dépendra à la fois de la situation professionnelle (salarié, indépendant, demandeur d’emploi, …), du projet de formation et du projet professionnel (et des possibilités d’entrée ou de retour à l’emploi), ainsi que de la formation elle-même (certifiante ou non).

Les interlocuteurs vont donc varier selon ces 3 critères : situation professionnelle, projet de formation, nature de la formation ! Si la personne est salariée, les interlocuteurs seront principalement son entreprise et l’Opérateur de Compétences (qui devrait remplacer l’OPCA). Si elle est demandeur d’emploi, ce seront principalement Pôle emploi et la Région.

Si les listes de formation éligibles au CPF et donc à ses abondements sont supprimées dans le projet de loi, qu’en sera-t-il concrètement ? Quelles sont les formations qui permettront des abondements et quelles sont celles qui ne le permettront pas ? Quelles seront les priorités de chacune des sources de financement complémentaire ?

Si l’on peut comprendre que l’abondement puisse dépendre d’un retour effectif à l’emploi, que le montant de l’abondement puisse être variable selon la durée de la formation…. On peut donc accepter que certains critères puissent évoluer avec le marché du travail ! Mais jusqu’ici, ce n’est pas la transparence qui a prévalu et nombreux sont ceux qui ont évoqué le parcours de combattant dans la recherche de financements !

Dans quelle mesure l’application prévue permettra-t-elle de solliciter ces abondements ?

Concrètement, si le devis de votre projet de formation dépasse le montant du Compte Personnel de Formation, vous tenterez de faire appel à des abondements. Si vous êtes salarié, les abondements pourront être sollicités auprès de votre entreprise et/ou des organismes de financement qui lui sont rattachés. Il vous faudra alors repérer si vous êtes un de ces publics prioritaires et si vous remplissez les critères fixés par l’organisme de financement. Si vous êtes demandeur d’emploi, vos interlocuteurs devraient être principalement Pôle emploi et votre Région. Mais quels seront leurs critères pour le bénéfice d‘abondements de leur part ?

L’application permettra-t-elle de vous préciser les abondements potentiels en fonction de votre situation professionnelle et personnelle ainsi que de votre projet de formation ?

On peut craindre que le financement de votre projet de formation reste un casse-tête alors qu’on aurait pu penser que la réforme introduise plus de simplicité souhaitée par l’ensemble des bénéficiaires.

Pour conclure

 

Sachant que, désormais, chaque individu doit être acteur de l’évolution de ses compétences, que le financement de la formation devient spécifique à chacun, il n’est pas étonnant que chacun tente de minimiser sa contribution financière personnelle, en mobilisant des droits qu’il ne connaît pas pour la plupart… et qu’il lui est difficile de connaître et d’obtenir par ailleurs, ... Alors que pour lui, il s’agit d’un investissement capital !

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